22/01/2009
Janvier
Même si je laisse hier tout ce qui est trop tard
Que les dés sont pipés je le sais par avance
Je saute dans la flaque au milieu du trottoir
Même les jours de pluie ensoleillent l’enfance
Alors je vois demain les traces dans la neige
Que la folie d’aimer laisse sur son chemin
Ce sont les notes d’un impossible solfège
Qui ne se joue qu’à deux comme d’une seule main
Le soleil qui revient je le vois dans tes yeux
Mais je suis en retard de bien quarante piges
Quand il me semblait être cet ado merveilleux
Et tous mes souvenirs n’en sont que des vestiges
Je me rêvais et j’aime à me rêver encore
Romantique et maudit dans la nuit solitaire
En poète debout face au vent dans l’aurore
Une fille près de moi sauvage libre et fière
Ça se soigne c’est sur mais toujours je déjante
En humain parmi d’autres pauvre grain de poussière
Je vois un autre monde ici me désenchante
Alors je me fabrique un bel imaginaire
L’âge me ride de son fouet mais ne pénètre pas
La sève monte encore même dans le dur hiver
Ce serait le printemps mais je n’y pense pas
Quelquefois la jeunesse a des relents amers
Je me réchauffe des femmes qui s’offrent à mon regard
Si belles je me raconte des filles de mensonges
Quand le sommeil arrive je les suis sans retard
Qui viennent se promener dans l’espace des songes
Et combien seront-elles ces passantes des yeux
A me convier toujours d'infaisables voyages
Je voudrais voir mes mains dans ce désir soyeux
Avec du pur amour sans filet ni trucage
Alors je laisse autant et je laisse toujours
La démence mener ma barque chimérique
Et je persiste à voir dans l’invisible autour
Les aventures chaudes rencontres utopiques
Je suis un maraudeur à l’affût du plaisir
Je fais don de tendresse et j’accepte l’offrande
D’un geste d’un regard ou d’un joli sourire
J’ai l’épargne secrète j’attends les dividendes
Je ne suis pas de ceux hésitant de tango
Myopes qui ne savent plus ni l’avant ni l’arrière
Le rêve c’est demain hier est dans les mots
Et le baiser final a les pieds sous la terre
Je ne suis pas de ceux croyant dans le miracle
Qu’un déluge annoncé laissera sains et saufs
Et tranquilles et légers contemplant la débâcle
Assis sur un gazon que le soleil réchauffe
L’âge creuse et ravine et burine la peau
Agit sur la tripaille et sur le palpitant
Il essore les muscles et fait tordre les os
Mourir jeune c’est fini je n’en ai plus le temps
Je berce d’illusions ma vieillesse à venir
D’une main virtuelle pour caresser les courbes
Je m’aide quelquefois d’une verrée de plaisir
Pour adoucir ma gorge parfumée par la tourbe
Mon âme est insatiable elle guette l’émotion
Que le désir allume parfois sur la pupille
D’une inconnue rêveuse dont la séduction
Ecrira dans ma tête un poème tranquille
Je ne suis pas de ceux que la peur ratatine
Et qui bourrent à ras bord de fric leurs édredons
Qui méprisent les gueux et cela me fascine
Rêvent de l’autre vie promise des religions
Je ne suis pas de ceux qui façonnent leur corps
En prenant pour modèle un dieu publicitaire
Et dont la chair pendouille dépourvue de ressort
Quand l’âge triomphant laisse s’en échapper l’air
Je ne suis pas de ceux qui en conquistador
Choisissent sur catalogue des congés exotiques
Et pleurent pour une nuit dans un aéroport
Une grève bloquant leurs vacances idylliques
Je ne suis pas de ceux dont la seule ambition
Est celle de « m’as-tu vu » de petite envergure
Qui guette dans les temples de consommation
La marque qui d’un coup allonge leur pointure
Notre monde est le même c’est le regard qui change
La solitude amie qui fait le sentiment
Et le ressentiment de la bêtise étrange
Qui nous prend par le cou pour un étranglement
Je suis cet amoureux permanent et perdu
Dans le bonheur suprême que crée la permanence
Un nostalgique amer des amours jamais eues
Un vagabond errant aux portes du silence
Et j’attends de demain une bouche pour la mienne
L’ « ardence » du désir et la pulpe gonflée
La fraîcheur juvénile qui purifie l’haleine
Les lèvres sans scrupules qui s’offrent à baiser
Je ne suis pas de ceux sans amour ni haine
Formaté jusqu’au fond aveuglé jusqu’au sang
Dans le cruel des jours mon esprit se promène
Sens en éveil je vois je goûte j’écoute je sens
Dormir dans des draps une femme à son coté
En se tournant le dos « taciturnant » le noir
Je me demande parfois où est la dignité
Une chambre lugubre ou un bout de trottoir
Je n’ai pas de sagesse la votre m’horripile
Je préfère la folie quand elle est à vos yeux
Aucun de vous ne peut aborder sur mon île
Elle est si jeune et belle et vous êtes si vieux
Dans le mensonge miroir vous vous voyez si grands
Que vous pensez indigne le pauvre qui mendie
Vous ne donnez alors qu’un regard méprisant
Et ce miroir réel vous rend votre mépris
Je ne suis pas de ceux bloqués dans une case
Dont la pensée minus rebondit sur les murs
Leur revient dans la gueule, les plie et les écrase
Fait gonfler leur orgueil et leur cache l’azur
De ceux qui s’agenouillent marquant leur soumission
A une vieille horreur bâtie sur des bêtises
Pour y régénérer l’essence de leurs pulsions
Et semer la violence où le monde s’enlise
Je suis celui qui passe en se sachant passer
Je suis celui qui rêve de ta peau impossible
Les ailes étendues et la bouche fermée
Le sourire en dedans du regard impassible
Comme ce brouillard léger dans les arbres en lambeaux
Comme ces mots veloutés que je ne dirais plus
Comme l’appel au secours d’un monde qui fut beau
La lettre non écrite que j’ai pourtant reçue
Je suis celui qui met du printemps dans l’automne
Quand janvier au soleil craque dans la froidure
Quand le poil qui blanchit fait vieillir le bonhomme
Quand mon âme imagine l’été et l’aventure
Je suis cet ignorant dont le seul savoir
Se construit de désir et de désespérance
Le désir animal l’animal désespoir
Et l’amour par-dessus pour gonfler la souffrance
Dans le vent de l’hiver j’agglomère le chaos
Adolescent encore debout dans ce poème
Et la nuit qui blanchit m’épargne de ces mots
Et je tais à jamais cette romance : Je t’aime.
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06/12/2008
la nouvelle chanson des gueux
Quand elle ouvre les bras
Me voyant arriver
Il m’arrive de rêver
Qu’elle n’attend que moi
Que je suis le soldat
Qui revient de la guerre
Qui sort de la misère
De la faim et du froid
J’imagine le café
Qui chauffe sur le réchaud
J’ai envie d’avoir chaud
Et de me reposer
Et soigner mes blessures
Revenir à la norme
Jeter cet uniforme
Avec mes déchirures
Quand elle ouvre les bras
Ses yeux restent fermés
Elle parle de pitié
Et moi je n’en veux pas
Elle ne regarde pas
Ce miroir sacrifié
Qui dit la vérité
Mais elle n’y croit pas
Elle ne veut pas se voir
Sans son lourd maquillage
Elle me voudrait en cage
Enfermé sans espoir
Mais je reste debout
Et digne malgré elle
Quand cette vie cruelle
Me voudrait à genoux
Quand elle ouvre les bras
C’est pour me faire partir
Elle nous aide à sortir
Mais on ne revient pas
Elle se pince le nez
Elle n’entend pas mes cris
Du haut de son mépris
Elle ne voit pas lever
L’armée inattendue
Cette fleur de misère
Abreuvée de colère
Qui monte de la rue
Et cette armée de gueux
Gavée de ses paroles
Inversera les rôles
Pour lui ouvrir les yeux.
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16/11/2008
Première gelée (Jean Richepin)
Jean RICHEPIN (1849-1926)
(Recueil : La chanson des gueux)
Première gelée
Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.
Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents,
Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues
La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues.
On entend haleter le souffle des gamins
Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains,
Et tapent fortement du pied la terre sèche.
Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu'une flèche.
Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés,
Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez.
Les femmes, comme des coureurs dans la carrière,
Ont la gorge en avant, les coudes en arrière,
Les reins cambrés. Leur pas, d'un mouvement coquin,
Fait onduler sur leur croupe leur troussequin.
Oh ! comme c'est joli, la première gelée !
La vitre, par le froid du dehors flagellée,
Étincelle, au dedans, de cristaux délicats,
Et papillotte sous la nacre des micas
Dont le dessin fleurit en volutes d'acanthe.
Les arbres sont vêtus d'une faille craquante.
Le ciel a la pâleur fine des vieux argents.
Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.
Voici venir l'Hiver dans son manteau de glace.
Place au Roi qui s'avance en grondant, place, place !
Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets,
Fait courir le gamin. Le vent dans les collets
Des messieurs boutonnés fourre des cents d'épingles.
Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles.
Et les femmes, sentant des petits doigts fripons
Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons,
Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses.
Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses.
Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau
Vont s'asseoir ; la chaleur leur détendra la peau.
Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe,
Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe
Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés,
Qu'un tendre amant fera mollir sous les baisers.
Heureux ceux-là qu'attend la bonne chambre chaude !
Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde,
Mais les gueux, les petits, le tas des indigents...
Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.
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07/10/2008
Que raconte l'oiseau?
La terre que je pétris prend la forme des mots
Qui ne peuvent pas dire la douceur de l’argile
Le contact soyeux de mes doigts sur ta peau
L’opulente rondeur d’une saison tranquille
Je bande du pinceau sur le papier trempé
Comme la note me vient éclater dans l’oreille
L’obsession qui me comble comme la volupté
D’un dimanche d’été ravagé de soleil
Le silence rebondit sur la portée du vent
Là où le verbe est mort trop bavard quelquefois
Le trait et la couleur disent le sentiment
Ou l’exacerbation du désir parfois
J’entends des violons en marchant dans la rue
Quand je ferme les yeux la lumière est violente
Comme une envie d’alcool subite et incongrue
Comme la beauté bleue d’une femme indolente
Et ce rêve de lèvres enfiévrées de douceur
Qui vient me caresser le ventre de la nuit
Comme l’aquarelle sait en donner la couleur
Comme un double soupir repose la symphonie
Qu’importe que comprenne ou ne comprenne pas
Les sculptures de mots la peinture des musiques
Elles n’ont rien à dire et pourtant elles sont là
Un simple souvenir pour un moment magique
Que raconte l’oiseau dont le chant m’émerveille ?
D.L06/10/08
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18/09/2008
Le chien à lunettes
Le chien à lunettes
Mange une gaufrette
Couché dans la cour
Assis dans une yourte
Le canard mongol
Joue du violoncelle
Une institutrice
Ecrit au tableau
Ce poème idiot
Un chien à lunettes
Assis dans une yourte
Écrit au tableau
Une institutrice
Couchée dans la cour
Joue du violoncelle
Ce poème idiot
Le canard mongol
Mange une gaufrette
Un chien à lunettes
Écrit au tableau
Une institutrice
Le canard mongol
Couché dans la cour
Ce poème idiot
Joue du violoncelle
Mange une gaufrette
Assis dans une yourte
Un chien a gaufrettes
Assis au tableau
Écrit le canard
Une institutrice
Mange des lunettes
Idiot dans une yourte
Violoncelle couché
Mongol dans la cour
Joue ce poème.
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