02/01/2022
L'an zéro
J'ai cru ne pas sortir et pourtant je le suis
Elle me l'a reproché et la chaleur avec
J'étais le responsable coupable sans doute aussi
Moi pauvre nourrisson épais comme un fruit sec
Comme si j'étais fourbe déjà avant de naître
Fourbe et calculateur que j'avais fait exprès
Choisi le jour et l'heure et le mois pour paraître
Un dimanche matin au début de juillet
Bien content de quitter le liquide amniotique
J'ai ouvert sur le monde mes magnifiques yeux bleus
Dans la touffeur ambiante témoignant des tropiques
Pourquoi pas à Montreuil des tropiques de banlieue
Ensuite pour un moment je suis resté peinard
Babillant et rotant et peut-être souriant
Et prenant hardiment du poids en vrai têtard
Sept mois quand on est neuf c'est un beau bout de temps
V'là t'y pas qu'à cet âge je fais une crise d'asthme
Mes bronches sont étrécies je siffle comme un steamer
On me brûle la couenne avec des cataplasmes
On me colle dans la goule des sirops assommeurs
De vomis en cacas j'allais cahin-caha
Victorieusement passer mon premier hiver
De justesse, février et mars je pris du gras
Avril comme un régime m'enverrait en enfer
L'avenir attendu m'a pris bronches et poumons
Niveau température j'ai battu des records
Je cuisais dans mon jus jusqu'à des convulsions
Un ultime tremblement puis plus rien j'étais mort
Soixante-dix piges plus tard si j'écris ce chef-d'œuvre
C'est qu'une première fois elle m'a épargné
Elle m'a recraché déposé à pied d'œuvre
Devant une existence peut-être méritée ?
Elle m'a fauché trois jours dont il ne reste rien
Trois journées de néant dans un profond coma
Dans un passé bien sûr dont on ne se souvient
D'avoir tant entendu conter ces histoires là
De la suite il me reste des réelles images
Cette vieille bonne sœur qui venait me piquer
Devant la grande fenêtre adapté à mon âge
Cette caisse de bois qui était mon pucier
La phobie des toubibs qui me resta gravée
Chaque visite me voyait me planquer de mon mieux
Mes pleurs ne changeaient rien il fallait bien soigner
Mon corps en marmelade et mes nerfs furieux
Je voulais que s'arrêtent tous ces coups de seringues
J'étais un animal prisonnier douloureux
Je n'avais pas un an et je devenais dingue
Soixante-dix ans plus tard je me sens un peu mieux...
L'an zéro, Daniel Bontemps-Laudrin, Décembre 21 - Janvier 22
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13/01/2021
Si tu m'aimes...
Tes yeux tu sais je m’en fous
Qu'ils soient bleus verts, qu’ils soient fous
Qu’ils soient perdus sur l’horizon
Ou qu’ils se perdent sur le plafond
Tes yeux et puis aussi tes seins
Même si j’aime y poser mes mains
Qu’ils me remuent lorsque tu danses
Tes seins au fond je m’en balance
Comme ton ventre tendre et soyeux
Comme l’étoile file sous le vœu
N’est rien d’autre qu’un gîte d’étape
Cette peau tendre je m’en tape
Et le creux charmant de tes reins
Fosse profonde et ronds si pleins
A t’il le don de m’inspirer
En fait j’en ai rien à cirer
Et la longueur de tes cuisses
Cette chair ambrée ce délice
Qui ferait chanter les poètes
Moi tu vois je m’en bats les couettes
Tes paumes roses comme tes fesses
Comme un rêve chaud de caresses
Où parfois mon bonheur se niche
Si tu savais comme je m’en fiche
Je me fous de ce que tu es
Je me fous de ce que tu hais
Tu n’es que ce miroir menteur
Où je me vois comme une erreur
Mais si tu m’aimes je prends tout !
D.L 13 09 2005
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09/11/2012
Mouche à la bière (vieille nouvelle )
D’emblée la journée s’était annoncée difficile. Le thermomètre avait affiché dès l’aube une température excessive. Les radios et les télévisions diffusaient depuis quelques jours des messages d’alerte concernant cet inhabituel épisode caniculaire. Quoiqu'en principe ces épisodes de fortes chaleurs ont lieu plus fréquemment l'été que l'hiver... De plus, l’absence de vent favorisait la pollution et gênait la respiration, surtout dans les grandes villes. L’ozone envahissait les rues, se glissait dans chaque interstice, la population la plus fragile devait rester à l’abri, boire surtout, se baigner, se doucher, se rafraîchir par tous les moyens.
La chaleur étouffante de la chambre avait poussé Jérôme hors de son lit dès les premiers rayons du soleil et même avant. Nicole dormait, nue sur le drap froissé. Pas un souffle d’air pour agiter les rideaux pourtant fins au travers desquels le ciel d’un blanc éclatant obligeait à plisser les yeux.
C’est à ce moment précis que la mouche avait fait son entrée en scène, venant bourdonner autour du lit.
Elle s’était posée un court instant sur une des fesses dodues de Nicole, sans s’attarder assez, échappant de justesse à la baffe et Nicole passant à côté de la fessée matinale. Jérôme était passé dans la cuisine où il avait avalé successivement un jus d’orange glacé et un café brûlant. La mouche bourdonnait au dessus de sa tête, une belle et grosse mouche noire dodue à point. Il était sans appétit. Il avait pris une douche tiède avant de s’habiller. Il devait passer par son atelier, chercher les outils nécessaires pour enfin terminer ce chantier merdique à l’autre extrémité de la ville, au delà du périphérique. Il avait jeté un dernier regard sur le corps dénudé de sa femme, il en avait apprécié les courbes, ce sein bronzé posé sur le drap, la longueur attirante du dos et ce gros cul fantastique, alangui, ferme et moelleux contre lequel il faisait si bon se reposer. En traversant la cuisine pour gagner le couloir et la porte, il avait eu une brève hésitation avant d’ouvrir le frigo, d’en sortir une canette de bière et de la vider sans presque respirer. La soif déjà... Il était presque sept heures, grand temps de quitter l’appartement.
Comme attendue, cette journée avait été rude. Ni la canicule ni sa cliente, ni encore moins cette grosse mouche ne lui avaient laissé de répit. Car il avait constaté la présence de la mouche dans l’ascenseur en descendant de chez lui. Il avait essayé de taper dessus, gestes désordonnés qui avaient suffit à le faire transpirer. Il avait abandonné la chasse, le minimum d'efforts et ceux-ci uniquement dévolus à l'efficacité serait la norme du jour. Mais la grosse mouche était aussi dans l’atelier, bourdonnant près d’un vasistas. Jérôme l'avait regardé en se demandant s'il s'agissait de la même ou d'une autre ? Mais il était certain que c'était celle du matin, comme si elle l'avait adopté... Presque arrivé sur le chantier, dans la voiture, il l’avait remarqué, discrète, posée sur le tableau de bord de plastique noir, près de l’autoradio.
La cliente était une mémé racornie et bigote, confite et raide, sèche comme un coup de trique, moralisatrice, acariâtre et bavarde. A chaque bière avalée, du matin jusqu’au soir elle s’était permise des remarques sur le danger des abus et les éventuels retentissement sur la qualité du travail. Jérôme avait vidé un pack de vingt-quatre, ce qui fait que la vielle n’avait pas cessé ses jérémiades. Elle s'était plainte aussi de cette mouche qui se posait partout sur ses meubles alors que chez elle, bien sûr, il n'y avait jamais de mouche ! Le midi il avait été manger un sandwich au comptoir du café voisin comme il le faisait chaque jour depuis le début de ce chantier, accompagnant le pain trop sec et le jambon sans goût de deux demis mousseux et frais. Le plafond du bistrot était couvert de mouches, nuée vrombissante dans laquelle Jérôme croyait bien reconnaître cette grosse mouche…
C’était les dernières finitions, les petites retouches, les vérifications, la remise en place de la décoration, de multiples crucifix, des prises de courant, des meubles et des bibelots. Fidèle à ses habitudes, Jérôme n’avait rien laissé au hasard. La qualité de son travail était irréprochable. La vieille faisait de son mieux pour trouver le défaut, elle tournait dans les pièces à la recherche de la plus insignifiante coulure de peinture, une minuscule malfaçon derrière un radiateur, une petite trace de poussière sur la blancheur des plafonds.
A maintes reprises au cours de la journée il avait donné des coups, à l’aide d’un journal, essayant en vain d’écraser cette unique mouche qui se posait sur le blanc parfait de la peinture. Plus la journée avançait, plus il s'énervait, plus il buvait et plus il était maladroit dans sa chasse à la mouche. Entre la vieille peau et ses remarques et ses bougonnements continuels et cette mouche obsédante qu’il ne parvenait pas à occire, la journée avait été horriblement longue et pénible. Enfin le chantier était terminé. En quelques aller et retour il avait chargé le break avec ses outils, les bâches et les pots de peinture avant d’investir la salle de bains dans laquelle il s’était lavé et changé. La mémé l’attendait dans sa cuisine. Elle avait rempli et signé le chèque, elle avait déposé avec un billet de vingt euros et elle avait poussé la bonté jusqu’à sortir de son frigo une bouteille de bière ! Tout allait bien ! La mouche marchait tranquillement sur la table, Volait jusqu’à la fenêtre avant de revenir. Jérôme fit semblant de ne pas la voir.
Il était content de ce chantier maintenant que c’était, déjà, une histoire ancienne. Il avait oublié les commentaires de sa cliente dès le moment où il avait empoché le pognon. Depuis qu’il faisait ce boulot, il avait connu bien pire. Des mauvais payeurs, des emmerdeurs qui trouvaient toujours le petit détail qui fâche, la petite trace inconvenante sur laquelle il s’appuyait pour retarder leur paiement, la tache minuscule, presque invisible, perdue sous un radiateur ou derrière une porte. Des règlements qu’il fallait attendre longtemps parce que les clients étaient raides comme des passe-lacets. Malgré que la vielle se soit montrée conne et chiante pendant tout le temps, tous les jours, en permanence, elle avait payé rubis sur l’ongle et le nombre de zéro sur le chèque correspondait bien à celui de la facture. La bonne femme était riche et les vingt euros de rab constituaient une surprise plutôt sympathique. Il était assez fier d’avoir su conserver son calme, de rester imperturbable malgré la bêtise des réflexions de l’ancienne et cette mouche noire qui lui tenait compagnie depuis l’aube.
Jérôme bu sa bière sans lui laisser le temps de se réchauffer, serra la main de la vieille et sorti dans la fournaise pour rejoindre sa bagnole. Titubant un peu, il constata qu’il avait tout de même picolé considérablement et l'évacuation par transpiration et les quelques fois où il avait été pissé n'enlevait pas l'alcool du sang. Il était dix neuf heures trente, il faisait encore très chaud, presque quarante cinq degrés, et il avait encore beaucoup de chemin à parcourir avant de se retrouver chez lui.
Pas de problème de circulation jusqu’au périphérique. Jérôme imaginait déjà qu’il serait bientôt arrivé, il se voyait déjà, vautré sur le canapé, une bière à portée de la main. La fluidité du trafic le rassurait aussi par rapport à la voiture. Le break chauffait beaucoup trop et la climatisation avait rendu l'âme depuis longtemps ! C’était une bonne bagnole pour l’hiver, la canicule ne lui réussissait pas. Il déchanta en s’engageant sur le périphérique. Surprenant à cette heure là, un bouchon s’étalait sur des kilomètres. Il n'était pas le seul, loin de là, a travaillé jusque tard en espérant une chute de la température. Il alluma la radio et constata que la mouche se trouvait au même endroit que le matin, qu’elle avait rejoint la voiture elle aussi pour le voyage retour. Jérôme tenta une nouvelle fois d’écraser cette saloperie de grosse mouche qui l’énervait depuis si longtemps. Sa tentative, vaine, failli se transformer en catastrophe parce qu'il donna un coup de volant brusque en tapant, fort, sur le plastique déserté par la mouche. Heureusement, le conducteur de la voiture située à sa gauche évita la collision, Jérôme s'excusa d'un geste vague. Le bulletin d’information de vingt heures fut en grande partie consacré aux phénomènes météorologiques de plus en plus violent qui ravageaient la planète. Les moyennes saisonnières n'étaient plus de mise, elles évoluaient trop vite ! Le pays entier attendait que les orages éclatent, que la pluie vienne et fasse tomber la température. En même temps, tout le monde craignait les pluies trop violentes, la foudre, les incendies et les inondations.
Il faisait lourd, très lourd et la mouche tournait dans la voiture autour de la tête de Jérôme qui craignait de devenir fou. Il mit son clignotant sur la droite et chercha à changer de voie. Il voulait sortir de ce merdier le plus vite possible avant qu’il ne soit trop tard pour lui comme pour sa voiture. La prochaine bretelle de sortie n’était pas encore visible, une pancarte l’annonçait à huit cent mètres. Il tripota les boutons de la radio à la recherche de France Musique, sachant que la musique classique le calmerait. Hélas, quand il trouva la bonne longueur d’ondes, un animateur bavard n’en finissait pas de parler de la surdité de Beethoven. Il eut l’impression que la mouche, qui visitait le pare-brise, se marrait de sa déconfiture. Dépité, il éteint la radio. La sortie était maintenant tout près, une centaine de mètres à peine et il pourrait quitter l’enfer automobile de cet interminable bouchon même en tenant compte de la bretelle qui était, elle aussi, encombrée.
L’angoisse de la panne le bouffait avec un bel appétit, l’alcool du jour faisait monter sa tension, la grosse mouche le rendait dingue. Enfin il avait pu quitter le long serpent quasiment immobile qui poursuivait sa reptation lente dans le couloir bétonné du boulevard périphérique. Il s’engagea au hasard dans une petite rue tranquille dans laquelle il put stationner à l'ombre sans difficultés. Un bistrot de quartier lui tendait sa terrasse ombragée. Jérôme s’affala sur la paille de plastique d’une chaise et commanda un demi à la seule personne présente dans le troquet qu’il supposa être la patronne.
C’était une blonde naturelle, cheveux d’une couleur terne qui ressortait peu sur sa peau aussi blanche qu’un lavabo. Ce genre de peau qui ne bronze jamais, que le soleil, lorsqu’il donne dessus, s’empresse de brûler. Elle avait une énorme paire de seins qui menaçait de faire sauter un à un, ou pourquoi pas tous ensemble, les boutons de son chemisier. Elle était par ailleurs assez maigre, des longues jambes surmontées d’un joli petit fessier tout rond bien moulé par le pantalon de toile. Assez maladroit, Jérôme faillit renverser son verre. Miraculeusement, seules quelques gouttes s’en échappèrent et vinrent souiller la table. Jérôme vida la bière en vitesse et en commanda une seconde. Comme il le souhaitait, la patronne vint chercher le verre vide pour aller le remplir. Jérôme essaya graveleusement quelques blagues mais la femme fit mine de ne pas les entendre. Il ne savait pas au juste pourquoi il lui venait cette stupide envie d’exercer son charme sur cette femme. Même si, à l’évidence, elle ne le laissait pas indifférent, cet exercice en pure perte était une connerie. Le nombre bientôt incalculable de bières qu’il avait avalé dans sa journée n’y était sans doute pas pour rien. Il la regardait sans pouvoir cacher sa concupiscence, il imaginait ses mains remonter doucement sur l’intérieur des cuisses effilées, il voyait sa bouche envelopper goulûment les aréoles roses, il sentait le bout de sa langue titiller les mamelons tendus et malgré cette subite affluence d’images érotiques, il n’avait pas le plus petit début d’érection, pas la moindre sensation, rien ! Elle empocha le billet de vingt euros et s’éloigna vers le bar pour chercher la monnaie. Il baissa alors les yeux pour prendre son verre et il vit cette immonde grosse mouche qui avait l’air, elle aussi, d’apprécier la bière. Elle était venue se poser sur les quelques larmes qu’il avait renversées. Jérôme leva la main pour enfin en finir avec celle qui lui ruinait l’existence depuis le petit matin. Il avait la certitude de ne pas la manquer, pourtant il suspendit son geste car la serveuse revenait avec la monnaie. Il repartit dans sa vaine admiration de la plastique de la blonde. Quand l’intérieur ombreux du café l’eut absorbé, il chercha la mouche, mais elle n’était plus en vue.
Il était maintenant vingt heures trente et il fut atteint de plein fouet par une bouffée d’angoisse à l’idée de se faire engueuler par Nicole en revenant chez lui. Il se leva lentement, et, d’une démarche qu’il voulait sûre, il rentra dans le bistrot. La porte des toilettes, bien visible, se trouvait face à la porte d’entrée. Il y alla rapidement sans un regard sur la patronne qui rangeait les verres derrière son comptoir. Il pissa interminablement, l’épaule calée contre le mur. La mouche bourdonnait au ras du sol, tournant, en virages rapides autour de la cuvette et entre ses pieds. Jérôme pensa qu’elle était bourrée, qu’il n’était pas seul ! Il sortit des chiottes le plus rapidement possible, sous les yeux éberlués de la serveuse patronne aux seins plantureux. Affichant un sourire de contentement, autant pour la vidange totale de sa vessie que pour le bon tour joué à la mouche, il quitta le café et rejoint sa voiture. Il retrouva sans plaisir la moiteur du siège. Le ciel prenait une teinte orangé, étrange, la température ne bougeait pas. C’est en dégageant le break du long du trottoir pour regagner le boulevard qu’il vit la mouche. Elle était maintenant posée sur l’appui tête du siège passager, appliquée à se lisser les pattes. Une fois de plus, il tenta de la tuer et le geste qu’il fit provoqua un coup de volant malencontreux. Il emboutit le pare-choc de la camionnette garée devant. Il fit une petite marche arrière, suffisante pour constater qu’il n’y avait pas sur le fourgon de traces apparentes, et il parti avec le sentiment affreux que la mouche était en train de rire !
Ses pensées revinrent à Nicole. Elle devait s’ennuyer ferme toute seule dans ce grand appartement, sans amis dans les environs. Elle l’a bien cherché ! Décida t’il. C'était bien elle qui en avait assez de la campagne trop tranquille, trop loin des villes, des magasins, des cinémas, des théâtres et autres salles de concert, bref, elle voulait vivre en ville et pas trop loin de la capitale ! Il avait accepté... Sept ans qu'ils étaient ensemble, mariés comme il faut par monsieur le maire et par monsieur le curé... Ils n'avaient pas d'enfants et pas envie d'en avoir. C'est bien assez de devoir se prendre en charge soi-même pour ne pas s'emmerder avec des lardons ! Sept ans de bonheur, surtout au lit, parce que Nicole avait pour l'amour des qualités évidentes en plus de son corps magnifique, mais elle était aussi une sacré emmerdeuse, une emmerderesse comme le chantait Brassens ! Elle utilisait une bonne partie de son temps à se plaindre, qu'elle manquait de fric, que les copains buvaient trop, que leurs femmes voulaient pieuter avec les hommes des autres, que le jardin la fatiguait et qu'il y avait trop de vert partout, trop d'herbe, trop d'arbres, etc.
Lassé par les continuelles jérémiades, Jérôme avait laissé Nicole chercher un appartement en banlieue parce que, quand même, il y avait des limites à ses richesses et la capitale était hors de prix. Et les voilà maintenant au douzième et dernier étage de cet immeuble de standing à quinze kilomètres à l'Est, avec vue sur les pavillons et sur les champs de betteraves et de pommes de terre. Nicole a gagné, il ne faut que trois minutes à pieds pour se rendre à la gare et le train la dépose en plein dans le centre un quart d'heure plus tard. L'appartement est spacieux, une grande pièce à vivre dotée d'un vaste balcon terrasse avec assez d'espace pour installer une table et des chaises longues, pour manger, pour boire et pour bronzer. L'absence de vis à vis permet même la nudité totale sans risquer d'être espionné. Nicole a installé, sans gêner personne, un séchoir à linge accroché à la rambarde du balcon en s'inspirant de sa voisine. Elle est heureuse d'être là et elle se fout bien de savoir que Jérôme va devoir turbiner comme un fondu pendant vingt ans avant d'avoir fini de payer ce beau logement ! Malgré sa satisfaction évidente elle continuait tout de même à emmerder son mari qui cumulait les défauts, trop fumer, trop boire, regarder le foot à la télé, refuser de sortir le soir pour cause de fatigue ! Elle l'engueulait copieusement et il ne cherchait même pas à prendre la fuite malgré la grande rapidité des ascenseurs parce qu'il craignait par dessus tout la rencontre avec des voisins promenant leurs chiens dans les allées et sur les pelouses environnantes, ramassant soigneusement les crottes dans leurs petits sachets ou regardant autour d'eux, droite gauche, derrière devant, et abandonnant lâchement l'étron fumant de leur clébard. De quoi vous dégoûter d'avoir un chien !
Il allait dans son bureau, il s'était réservé un pièce pour s'installer et il travaillait encore et encore tout en picolant car il avait un meuble bar et un petit frigo avec à profusion de la bière et de l'alcool. Un coup de klaxon le réveilla. Il n'avait pas vu le feu qui passait au vert, l'automobiliste de derrière n'était pas content et vociférait en passant son visage luisant par la portière : Eh, vieux con, t'attend que ça mûrisse ?! Bien que très tenté d'expliquer à cet automobiliste ordinaire qu'il était un con, certainement puisqu'on l'est tous pour quelqu'un, mais pas un vieux, ce qui était vexant, il ne réfléchissait pas assez vite, le cerveau anesthésié, noyé dans la bibine. Sa non intervention lui permis d'arriver chez lui un peu plus tôt car il ne rencontra plus d'obstacles sur sa route, route qu'il rallongea quelque peu en pratiquant de nombreux zigzags dus en partie à la bière mais aussi et surtout aux efforts désordonnés qu'il fit pour écraser la mouche. Il gara le break sans toucher les bords, bords constitués par les voitures des voisins et il le quitta le plus vite possible afin d'enfermer la mouche à l'intérieur. Il pensait avoir réussi son coup jusqu'au moment où il est entré dans l'ascenseur et qu'elle est venue, elle a osé, se poser sur son nez !
Il appuya sur le bouton de son étage après avoir hésité un moment car le bouton rouge avec une cloche lui semblait bien tentant... L'ascenseur grimpa silencieusement seulement accompagné par le bourdonnement de la mouche qui maintenant tournait à grande vitesse au ras du sol. Sa tentative d'écrabouillement de l'insecte, plus de douze heures déjà, se solda par une presque chute stoppée par la paroi métallique de la cabine. Déjà qu'il connaît quelques difficultés pour se tenir, c'est encore plus vacillant qu'il peine à trouver le trou de la serrure et lorsqu'enfin il y parvient il constate qu'il se trompe de porte... Il rassemble son énergie résiduelle, il ferme un œil et il trouve la bonne porte, la sienne, le bon trou de serrure et il rentre.
Nicole est affairée dans la salle de bain,il la salue de loin en se dirigeant vers la cuisine. La mouche l'a précédé, elle vient de se poser sur la porte du frigo. Il choisit de l'ignorer, il attrape une bouteille de bière fraîche et il titube jusque dans la salle. La porte fenêtre est ouverte en grand, bêtise de Nicole, ce qui permet à la chaleur de rentrer dans l'appartement. Après avoir posé sa bière sur la table du balcon, il se déshabille, il dépose ses habits sur la canapé et il vient s'asseoir à l'extérieur. Le soleil ne donne plus directement dans sa direction, le balcon est à l'ombre et un très légère brise agite, à peine, une paire de bas et deux très petites culottes suspendues au séchoir. Nicole avait changé de pièce, elle était maintenant dans la cuisine et il l'entendait qui remuait des plats et des assiettes. Il sirote sa bière en pensant qu'il va prendre une bonne douche à peine tiède, que ça va lui remettre les idées en place. La mouche vient se poser sur la table comme pour lui signifier qu'il a raison.
C'est un coup de maître ! Lui le gaucher, la senestre occupée par la canette de bière, à envoyé la dextre avec une rapidité foudroyante et il l'a ! Il sent la mouche dans le creux de sa main, il se régale, un rictus lui déforme la bouche tandis qu'il serre le poing. Nicole, toujours nue, se demande et lui demande pourquoi cette affreuse grimace ? Alors il raconte l'horreur de sa journée avec cette mouche obsédante qui était déjà là ce matin quand il s'est levé et qui ne l'a pas quitté de la journée ! L'énervement en permanence entretenu aussi par cette vieille cliente suspicieuse, cherchant la petite bête à défaut de garder la mouche... Bref, à cause de cette mouche, une journée particulièrement éreintante, la chaleur, la cliente, la mouche, l'embouteillage, le grincheux en bagnole, la mouche... Toujours la mouche et il l'a ! Elle est la, maintenant réduite à une gluance ridicule entre ses doigts et sa paume... Nicole lui demande s'il est bien sûr de lui, parce que, parfois, quand on ouvre la main, la mouche s'envole ! Il rit, cette fois, il est sûr ! Il finit sa bière, il se déplace à la manière d'un James Bond de banlieue, à poil, jusque dans la cuisine. Là, il emmerde une quantité impressionnante de personnes en balançant sa canettes vide dans le vide-ordures puis il revient vers Nicole à la manière d'un empereur romain qui vient d'asservir la Gaule. Arrivé sur le balcon, il ouvre sa main et il jette la mouche, très fort dans l'espace.
Mais la mouche est bien vivante, elle a trouvé dans la main de Jérôme une niche, un abri suffisant pour échapper à l'écrasement, elle vole comme pour faire de l'exercice, se défroisser les ailes, elle rentre dans l'appartement... Nicole plaint son homme, pour sa journée difficile autant que pour sa frustration d'avoir raté, une fois de plus, sa cible. Nicole se penche sur le séchoir pour ramasser bas et culottes, Jérôme admire sa femme, la longueur du dos, la rondeur des fesses, cette fente si attirante, les perles de sueur comme une rosée charmante qui couvre sa peau intégralement bronzée... Et la mouche ! Cette saloperie de mouche qui vient se poser sur la fesse droite de Nicole, qui trempe sa trompe dans une gouttelette de transpiration, qui semble apprécier, qui ne bouge pas alors que Nicole remue son fessier sous l'agression chatouillante...
Jérôme n'hésite pas, il prend son temps, il se positionne parfaitement, il ferme un œil pour viser, il arme son geste, il frappe : Paf !!
Il l'a eu ! Il le sait, il l'a senti éclater sous sa paume. Quand à Nicole elle a juste dit un petit : Hé... Et elle est tombée ! Jérôme s'est penché au dessus de la rambarde, il a regardé sa femme qui diminuait rapidement jusqu'à devenir minuscule au moment du choc sur le sol dans l'allée, ratant de peu un vieux couple occupé à faire chier un vieux chien sur la pelouse proche !
Jérôme a regardé sa main sur laquelle restait comme un trophée un magma visqueux, rosâtre et noire, il a été se laver les mains et en attendant l'arrivée de la police et des pompiers il a été chercher une bière dans le frigo...
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23/11/2008
Elsheimer et moi...
Elsheimer et moi… L’amour va-t-il commencer ? Une belle démence sénile qui arriverait avec, à mon avis, un tantinet d’avance… Etre vieux, jamais il ne m’est arrivé de le souhaiter. Mais les points de vue, les miens, sont en constante évolution… Mais de la à déjanter, à fondre du bulbe, se ramollir du cortex et avoir les synapses dans la marmelade et l’avenir dans la couche culotte, il y a un pas !
Bon, j’explique cette entrée en matière obtuse et absconse. Mon voisin, un copain, trente cinq pige environ, travaille, énormément, dans sa maison, il agrandit, il modernise, il bricole, il n’arrête pas ! Malgré cela, c’est un mec sympa, juste un peu excessif dans le pastaga, qui multiplie par trois la quantité d’une dose et par trois la quantité de doses… Heureusement pas souvent… Bref, ce voisin est dans les finitions de ses travaux, il pose les parquets, il peint les murs, il branche l’électricité. Il est doué, bricoleur, démerdard, c’est presque mon contraire ! Ici, à la maison, ça va beaucoup moins vite parce que je suis perdu, je ne sais pas par quoi commencer, par quoi poursuivre, etc. On ne peut pas être doué pour tout, mais, on peut être doué pour rien et s’appliquer dans ce domaine…
Bref, tout ça pour en arriver à ce triste constat du jour qui m’a tout de même valu un solide fou rire alors que je vaisselisais, ensuite… Je tiens à montrer à mon voisin, depuis déjà longtemps, deux mois ; le magnifique parquet de chêne que m’a donné Sylvain, mon gendre. (J’ai du mal à poursuivre, le fou rire revient !)
Je reprends après avoir fumé une cigarette devant la cheminée pour mettre à mal ce rire emmerdant mais sans grand espoir en ce qui concerne sa disparition définitive… Donc, fier et content, je voulais montrer à mon voisin, etc. Vous connaissez la suite… Gilles, le voisin, vient assez fréquemment à la maison pour me donner des idées et un coup de main dans les travaux (qui n’avancent pas !) au premier étage. Et jamais, au grand jamais, malgré la succession de ces visites amicales et souventes fois arrosées, je ne pense au parquet !
Et aujourd’hui, Anne et Sylvain, Camille et Quentin viennent manger à la maison afin de souhaiter comme il se doit l’anniversaire de ma grande fille. Peut-être bien que le beaujolais était un peu trop chaptalisé, que le Cérons continue sa géniale maturation dans mon cerveau, ou que le petit salé et la mique ont eu le temps de fermenter… Toujours est-il que, (le fou rire me fait pleurer) très fier de moi ; je file dans le garage, je prends une latte de parquet que je ramène comme un trophée sous les yeux de Sylvain en lui disant très sérieusement : « Tu as vu le parquet que mon voisin nous a donné ! » Je vais même jusqu’à en préciser la surface ! Sylvain, interloqué, me dit : « C’est le même que celui que je t’ai donné ! »
D’où un atterrissage étrange qui, après un murissement assez court m’a conduit à ce fou rire qui ne veut plus me lâcher. Dois-je réellement considérer que l’alcool (du si bon vin ?) a sa part de responsabilité ? Que la maladie d’Elsheimer pointe son groin et que je dois d’ors et déjà me faire à l’idée que mon cerveau se transforme en béchamel ? Qu’un subtil mélange des causes susnommées s’accorde pour semer le trouble dans mon esprit pourtant, habituellement, si clair… Gast ! Je me pose des questions et le rire revient facilement quand je pense à l’ébahissement de Sylvain qui a du, certainement se poser des questions, dire à Anne : « Dis donc, ton père, ça s’arrange pas ! »
S’il s’agit de cette pétasserie de maladie, je n’en suis qu’aux prémices et s’ils sont aussi drôles à chaque fois, j’accepte. Mais je pense plutôt aux vins, si bons, si gouleyants, si piégeux ! Au bonheur du jour et éventuellement au mélange entre l’alprazolam et les vapeurs vineuses… J’abuse avec facilité en général, dès que j’ai des invités, c’est pire ! Enfin, avec modération ?
Bref, je rigole en espérant qu’Anne et Sylvain rigolent aussi !
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