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24/07/2010

Vieillir...

L’idéal est peut-être de commencer de bonne heure… Le dos en vrac, les courbatures, les migraines, les rhumatismes et je ne sais quoi d’autre ! Quelques chutes de vélo, quelques accidents, des fractures, des coups de poings, de pieds, des gueules de bois. Parce qu’avec le temps, l’habitude banalise les douleurs. On les reconnaît comme des vieilles connaissances, on se dit : Tiens ! Ça faisait longtemps ! Ou au contraire : Encore ! Parce que finalement, on passe toute sa vie à vieillir ! Avec des progrès qui ressemblent à de l’acharnement thérapeutique ! Là où les centenaires étaient exceptionnels, voilà qu’ils se banalisent, qu’il y en a à foison, esquintés, ratatinés, handicapés, dépendants, hélas parfois infantilisés. Mais vivants !

 

Quand on arrive à trente piges avec déjà un certain nombre de souffrances chroniques plus ou moins accentuées, quelques mésaventures au compteur, la colonne vertébrale qui commence à coincer, à se gripper, à se tordre, d’accord : On pense à autre chose. Mais autre chose se rapproche vite, trente piges qui passent encore comme une petite saison, les pieds s’éloignent des mains, c’est la galère pour attacher ses lacets et pour se couper les ongles ! Bientôt il faudra s’y mettre à plusieurs ! Et c’est sans parler des autres menus ennuis que nous réserve notre corps et notre esprit. Les viscères qui déconnent, l’estomac trop cuit qui se troue, l’intestin paresseux, la prostate qui rechigne, la pendule qui retarde ! (Ah mon dieu qu’c’est embêtant d’être toujours patraque…)

 

Pour ce qui est de la tronche, si ça fonctionne encore à plein rendement pour ce qui est du raisonnement, de l’adaptation, de l’imagination, bref : De l’intelligence, pour ce qui est de la psychologie c’est une autre histoire ! Se faire à l’idée que plus jamais on ne pourra plaire aux filles les plus jolies, les plus girondes, celles qui attirent nos regards impudiques… On a beau sortir nos sourires les plus chouettes, le regard le plus langoureux, on a beau tenter de démontrer que l’on a encore de l’allure, de la prestance même, de la puissance et du souffle… Rien à faire ! (d’autant plus qu’au niveau de la puissance et du souffle, c’est quand même plus ce que c’était…) A moins sans doute d’avoir les poches débordantes de pognon dont on ne sait pas quoi faire et d’accepter de chevaucher un mensonge qui, un jour ou l’autre, rapidement, va de toute façon nous désarçonner et nous envoyer devant une psyché impitoyable.

 

Et puis, comment faire des projets personnels à long terme alors que le terme est court ? Il suffit de projeter pour les autres, au risque évident que notre projet ne corresponde pas à celui des autres en question… Mais bof… Tant qu’on est vivant ! D’ailleurs la fin est proche en permanence : On passe sa vie entière à survivre à des imprévus de toute sorte, des guerres, des infarctus, des femmes, des déraillements, des médicaments, des religions, des trahisons, des médecins et des coups de matraque policiers…

 

Penser déjà à agrandir le potager, à faire une liste de beaux légumes que l’on veut voir l’année prochaine, à raccourcir sévèrement la haie de laurier qui est emmerdante, à marcher au moins quatre kilomètres quotidiennement, à aider et à encourager mon fiston pour une année difficile à l’école, à écrire un nouveau roman et se décarcasser pour le faire éditer… C’est pas du beau projet ça ?

 

Mais bon, ça ne rapprochera pas mes paluches de mes arpions, mes articulations de raidir encore plus, les torticolis de se faire plus fréquents, bref, l’urgence sera encore dans l’essentiel, plus de place pour le superfétatoire ! L’échéance approche ? Raison de plus pour aller lentement, lourdement, égoïstement et généreusement, ne penser qu’à soi puisque le plaisir, c’est les autres…

 

En attendant, je vieillis.

22/07/2010

Sérénité ?

Un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine. Herbes sèches, terre râpeuse, gondolée, travaillée par les taupes et par le soleil. La haie, la route, la maison des voisins, plus loin les grands sapins amputés du coté sud-ouest par les grands vents et les grandes pluies. Plus près quelques fleurs qui patientent en attendant la fraicheur du soir et le passage de l’arrosoir. La trop fine tige de l’érable planté dans la beauté d’une fin d’hiver dont chaque souvenir s’est évaporé depuis longtemps. Le cerisier qui conserve encore, inaccessibles, quelques beaux fruits murs trop haut placés, la part du merle... Le portail de bois tordu et cassé, la route grise par laquelle se font les départs et les retours…

 

Passage des saisons, paysages banals toujours recommencés et toujours nouveaux de la nature magnifique. Encore une journée pas trop mauvaise… La douleur qui irradie dans la jambe, la brûlure dans l’œil, rien de grave, à priori. Garder le silence et profiter de la beauté du jour, du prunier qui fléchit sous le poids des fruits, de la douceur du matin, des rires de l’enfance…

Bien sur elle est par là qui guette parce qu’il ne peut pas en être autrement. Ici ou ailleurs, la fin du voyage.

Sur la peau la caresse d’un courant d’air, le poil dressé dans un frisson, le goût du café chaud réveillant les papilles. Au jour le jour, à la minute la minute, profiter du présent, des légumes qui murissent dans le jardin potager, des fruits qu’il faut ramasser pour faire la confiture et les gâteaux… S’épargner des angoisses superflues tant que faire se peut. Combien de temps ? Evacuer les pensées sombres, les colères. Profiter de chaque instant mesuré entre deux inquiétudes comme on prend, à peine, le temps d’admirer la montagne entre deux virages.

 

Est-ce que cela vient brusquement ou bien au terme d’un long cheminement de souffrances diverses, de coups reçus, de vacheries, de trahisons ? Quand on ouvre le tiroir des souvenirs ensoleillés de rires et de chansons, de fêtes, de vin et d’alcool ? De cet enchaînement miraculeux de rencontres de situations, de douleurs, d’amours, d’amitiés, de temps, qui fait qu’à cet instant précis, maintenant, nous sommes ce que nous sommes ?

Toujours est-il que cela est ! Ce resserrement autour du primordial, cette urgence absolue de l’essentiel. Cette lucide vision de l’irrémédiable.

Alors, se concentrer sur soi, sur la recherche de la sérénité, sur le bonheur de l’autre, sur le geste et sur le silence partagé, sur le poids de chaque seconde comme sur  le poids de chaque éternité. Profiter du bonheur de l’autre pour enrichir plus encore le bonheur commun, le chant des oiseaux, la beauté fragile des fleurs, la magnificence des arbres, la souveraineté des montagnes.

 

Comme sans rien comprendre, s’allonger sur le sol, regarder juste en face l’énorme masse du pic de Charbonnel, la courbe  féminine, ondulée, sculptée dans la blancheur du glacier, fermer les yeux…