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23/11/2008

Elsheimer et moi...

Elsheimer et moi… L’amour va-t-il commencer ? Une belle démence sénile qui arriverait avec, à mon avis, un tantinet d’avance… Etre vieux, jamais il ne m’est arrivé de le souhaiter. Mais les points de vue, les miens, sont en constante évolution… Mais de la à déjanter, à fondre du bulbe, se ramollir du cortex et avoir les synapses dans la marmelade et l’avenir dans la couche culotte, il y a un pas !

 

Bon, j’explique cette entrée en matière obtuse et absconse. Mon voisin, un copain, trente cinq pige environ, travaille, énormément, dans sa maison, il agrandit, il modernise, il bricole, il n’arrête pas ! Malgré cela, c’est un mec sympa, juste un peu excessif dans le pastaga, qui multiplie par trois la quantité d’une dose et par trois la quantité de doses… Heureusement pas souvent… Bref, ce voisin est dans les finitions de ses travaux, il pose les parquets, il peint les murs, il branche l’électricité. Il est doué, bricoleur, démerdard, c’est presque mon contraire ! Ici, à la maison, ça va beaucoup moins vite parce que je suis perdu, je ne sais pas par quoi commencer, par quoi poursuivre, etc. On ne peut pas être doué pour tout, mais, on peut être doué pour rien et s’appliquer dans ce domaine…

 

Bref, tout ça pour en arriver à ce triste constat du jour qui m’a tout de même valu un solide fou rire alors que je vaisselisais, ensuite… Je tiens à montrer à mon voisin, depuis déjà longtemps, deux mois ; le magnifique parquet de chêne que m’a donné Sylvain, mon gendre. (J’ai du mal à poursuivre, le fou rire revient !)

 

Je reprends après avoir fumé une cigarette devant la cheminée pour mettre à mal ce rire emmerdant mais sans grand espoir en ce qui concerne sa disparition définitive… Donc, fier et content, je voulais montrer à mon voisin, etc. Vous connaissez la suite… Gilles, le voisin, vient assez fréquemment à la maison pour me donner des idées et un coup de main dans les travaux (qui n’avancent pas !) au premier étage. Et jamais, au grand jamais, malgré la succession de ces visites amicales et souventes fois arrosées, je ne pense au parquet !

 

Et aujourd’hui, Anne et Sylvain, Camille et Quentin viennent manger à la maison afin de souhaiter comme il se doit l’anniversaire de ma grande fille. Peut-être bien que le beaujolais était un peu trop chaptalisé, que le Cérons continue sa géniale maturation dans mon cerveau, ou que le petit salé et la mique ont eu le temps de fermenter… Toujours est-il que, (le fou rire me fait pleurer) très fier de moi ; je file dans le garage, je prends une latte de parquet que je ramène comme un trophée sous les yeux de Sylvain en lui disant très sérieusement : « Tu as vu le parquet que mon voisin nous a donné ! » Je vais même jusqu’à en préciser la surface ! Sylvain, interloqué, me dit : « C’est le même que celui que je t’ai donné ! »

 

D’où un atterrissage étrange qui, après un murissement assez court m’a conduit à ce fou rire qui ne veut plus me lâcher. Dois-je réellement considérer que l’alcool (du si bon vin ?) a sa part de responsabilité ? Que la maladie d’Elsheimer pointe son groin et que je dois d’ors et déjà me faire à l’idée que mon cerveau se transforme en béchamel ? Qu’un subtil mélange des causes susnommées s’accorde pour semer le trouble dans mon esprit pourtant, habituellement, si clair… Gast ! Je me pose des questions et le rire revient facilement quand je pense à l’ébahissement de Sylvain qui a du, certainement se poser des questions, dire à Anne : « Dis donc, ton père, ça s’arrange pas ! »

 

S’il s’agit de cette pétasserie de maladie, je n’en suis qu’aux prémices et s’ils sont aussi drôles à chaque fois, j’accepte. Mais je pense plutôt aux vins, si bons, si gouleyants, si piégeux ! Au bonheur du jour et éventuellement au mélange entre l’alprazolam et les vapeurs vineuses… J’abuse avec facilité en général, dès que j’ai des invités, c’est pire ! Enfin, avec modération ?

 

Bref, je rigole en espérant qu’Anne et Sylvain rigolent aussi !

 

16/11/2008

Première gelée (Jean Richepin)

            Jean RICHEPIN (1849-1926) 

            (Recueil : La chanson des gueux)

 

 

            Première gelée

 

            Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

 

            Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents,

            Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues

            La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues.

            On entend haleter le souffle des gamins

            Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains,

            Et tapent fortement du pied la terre sèche.

            Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu'une flèche.

            Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés,

            Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez.

            Les femmes, comme des coureurs dans la carrière,

            Ont la gorge en avant, les coudes en arrière,

            Les reins cambrés. Leur pas, d'un mouvement coquin,

            Fait onduler sur leur croupe leur troussequin.

 

            Oh ! comme c'est joli, la première gelée !

            La vitre, par le froid du dehors flagellée,

            Étincelle, au dedans, de cristaux délicats,

            Et papillotte sous la nacre des micas

            Dont le dessin fleurit en volutes d'acanthe.

            Les arbres sont vêtus d'une faille craquante.

            Le ciel a la pâleur fine des vieux argents.

 

            Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

 

            Voici venir l'Hiver dans son manteau de glace.

            Place au Roi qui s'avance en grondant, place, place !

            Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets,

            Fait courir le gamin. Le vent dans les collets

            Des messieurs boutonnés fourre des cents d'épingles.

            Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles.

            Et les femmes, sentant des petits doigts fripons

            Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons,

            Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses.

            Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses.

            Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau

            Vont s'asseoir ; la chaleur leur détendra la peau.

            Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe,

            Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe

            Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés,

            Qu'un tendre amant fera mollir sous les baisers.

            Heureux ceux-là qu'attend la bonne chambre chaude !

            Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde,

            Mais les gueux, les petits, le tas des indigents...

 

            Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

 

 

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