26/02/2009
Cheveux longs
Quand j’avais une dizaine d’années et que des « grands », des adultes me demandaient ce que je voulais faire plus tard, il y a eu une époque assez courte, pendant laquelle je répondais : Coiffeur ! Bon, d’accord, il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens… Avec un tantinet de recul, je me demande quand même ce que je trouvais attirant dans ce métier. D’autant plus que je ne me souviens pas d’y avoir été, chez le coiffeur, de gaité de cœur. Il fallait que l’on me pousse ou que l’on me tire, que l’on me menace et peut-être même qu’exceptionnellement, je n’ai pas échappé à la torgnole paternelle.
Assurément, le coiffeur avait un pouvoir fantastique : il me coupait les cheveux ! Il faisait d’ailleurs à peu près ce qu’il voulait, ne me demandant que pour la forme mes goûts en matière de coupe pour finalement ne pas en tenir compte, comme Sarkozy avec les revendications populaires.
A Nantes en Bretagne et en 1975, j’ai pris la décision de raccourcir ma crinière. J’avais les cheveux très longs, la barbe idem. Donc j’ai été dans le salon de coiffure le plus proche de chez moi et j’ai demandé au patron un shampooing et une coupe ordinaire, qu’il ne m’enlève que quelques centimètres et qu’il désépaississe. Rien qu’à voir la tronche du garçon coiffeur quand je suis entré dans la boutique, j’ai pensé que je n’avais pas fais le bon choix. Mais étant d’un naturel têtu et poli, j’ai considéré être trop engagé pour faire marche arrière. D’autre part, j’avais une chance sur deux de passer avec le garçon, un jeune, et non pas avec le patron… Bref, raté.
Le patron me lave les tifs, il me demande à quel longueur il doit couper et même si j’ai un exemple à lui donner, un chevelu célèbre ? Je ne sais plus si j’ai parlé de Julien Clerc ou de Maxime Le forestier, d’un autre… De toute façon il ne connaissait pas ! Il a attaqué la coupe, ciseaux crantés, ciseaux normaux, vas y que j’te ! J’ai conservé mon calme, le mal a été rapidement fait : cheveux courts ! Le garçon faisait la gueule en rasant la tonsure d’un pépère…
Au moment de payer, le patron me réclame la somme exorbitante correspondant à une coupe au rasoir. Derrière la caisse il y avait les tarifs… J’ai sorti de ma poche le prix d’une coupe ordinaire, j’ai claqué les pièces sur la caisse et je suis parti. Enervé, je n’ai même pas payé le shampooing ! Le garçon souriait sur son rasoir, il trouvait subitement que la vie n’était pas si triste que ça…
Heureusement qu’il y a eu ensuite un changement de génération et que les vieux débiles ont pris leurs retraites !
Au début des années soixante, il convenait d’avoir le tif court, éventuellement gominé, propre et sans poux. Avec la montée en flèche des Yé-yés et des rockers, les cheveux se sont allongés un peu, crantés grâce au « Pento », la banane était en vogue, une vogue rebelle et gnangnan contre les préjugés imbéciles des « vieux » qui regardaient les longs cheveux des femmes avec bienveillance et les cheveux longs des mecs avec mépris et trouvaient que ça faisait « sale.»
A ce moment là, évidement, je devais fermer ma gueule ! Je pleurnichais quand j’avais l’obligation d’aller chez le merlan, je me consolais en constatant qu’il en était de même pour les potes du quartier. De mon coté, ça a même été jusqu’à la coupe en brosse ! Court, très court ! Rien à faire contre mes parents… Moi qui rêvait de ressembler aux grands que je voyais dans les rues, avec les blousons noir, les jeans, les bottes de cow-boys, les guibolles en cerceau ! On a les modèles qu’on peut. Enfin grâce aux Beatles, j’ai gardé une mèche et j’ai gagné avec ce coup de tronche rotatif qui permet de la remonter sur le front.
Enfin ! On a les révoltes de son âge, de son époque. A défaut d’avoir une conscience politique bien affirmée, on lutte contre les symboles de l’autorité, ceux de l’oppression. La cravate, saloperie « habillée » que j’ai rapidement rangée au fond d’une poubelle avec les costumes et autres blazers… Les beatniks se sont pointés, les hippies. Des nanas superbes avec des minijupes à ras le bonbon, des maxi jupes légères et transparentes… Les mecs avaient les tifs longs qui dégoulinaient sur leurs épaules, le sourire… Antoine a élucubré et j’ai gagné quelques centimètres. Johnny a chanté « cheveux longs, idées courtes » avant de se laisser pousser les crins, Brel les écoutaient pousser en revenant chercher ses bonbons, Aznavour, même Aznavour ! Férré les avait, depuis longtemps, « longs, dans ma tête » (Et basta… 1973). Bientôt même les présentateurs télé ont osé !
Les profs ne voulaient pas entendre parler de cheveux longs ! En menuiserie c’est dangereux, les tifs peuvent être avalés par une machine. C’est juste ! D’où l’obligation pour les chevelus, les tignasseux, de se couvrir le chef avec un filet pour entrer dans l’atelier ! Rien à foutre, tout vaut mieux que les cheveux courts ! Le cheveux long affirme une revendication libertaire, met en avant la marge, l’originalité. Même si ça ne plane pas vraiment haut, c’est toujours ça !
Tout ça pour dire quoi ? En 2007, après quelques années de tondeuse qui ne me laissait sur le crâne que quelques pauvres centimètres, j’ai décidé de garder les cheveux longs, de laisser la tondeuse dans son étui. Et puis j’ai eu la possibilité de travailler (quelle réussite) et je me suis fait violence en me tondant. C’était au mois de novembre… Depuis, ça pousse !
Je peux supposer que très prochainement, je vais avoir un entretien d’embauche avec le maire de ma commune. Je lui ai écrit en avril 2008 sans obtenir de réponse et maintenant il cherche quelqu’un qui pourrait être moi… Est-ce que la tondeuse est un argument en ma faveur pour une éventuelle embauche ? Et si oui, pourquoi ?
Pour me faire embaucher aux « nouvelles galeries » à Vannes, en 76, j’ai sacrifié ma barbe parce que le taulier trouvait que ça ne faisait pas propre, pour la clientèle… Je ne me suis rasé qu’une fois et j’ai laissé repousser, passant ainsi de l’état de barbu à celui de mal rasé sans que ce patron con n’ose me dire quoique ce soit…
J’ai cinquante sept piges bien tassées et le poil qui blanchit un peu, des beaux cheveux qui me tombent sur les épaules et l’envie de les garder comme ça. Je n’ai pas mis les pieds dans un salon de coiffure depuis une dizaine d’années et le voyage ne me tente pas. Quand à la tondeuse, elle me sert pour ma barbe. Et surtout, je n’ai pas envie qu’on m’emmerde !
Je raconterais la suite, s’il y en a une…
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